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L'Etat, recours en dernier ressort
L’État, recours en dernier ressort
le 26 mars 2020
La logique néolibérale qui guide actuellement les politiques économiques des principaux pays occidentaux, stigmatise l’intervention de l’État dans le domaine économique. Aussi les gouvernements de ces pays ne manquent-ils pas de multiplier les mesures de dérégulation, de privatisation, de limitation des déficits publics, et en conséquence de réduction de l’envergure des administrations publiques en termes de ressources humaines et de moyens matériels de fonctionnement, et ce au détriment de la qualité des services, notamment ceux de santé et d’éducation, fournis aux citoyens.
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Cependant, quand intervient une crise, de nature financière ou sanitaire, ces mêmes gouvernements redécouvrent les bienfaits de l’intervention étatique, il n’est plus alors question de laisser le soin au libre jeu du marché de guider l’économie. Ainsi, lors de la crise financière des crédits américains à risque, intervenue en 2007 / 2008, les gouvernements européens et des Etats-Unis d’Amérique, n’ont pas hésité à accorder aux banques en difficulté un soutien financier multiforme, y compris à travers des nationalisations.
De même, actuellement avec la crise de l’épidémie du coronavirus COVID-19, les gouvernements européens et américain concernés, se sont engagés à mobiliser des centaines de milliards d’euros ou de dollars, pour venir en aide aux entreprises en difficulté et pour renforcer des systèmes de santé publics fragilisés par des décennies de politiques d’inspiration néolibérale. Le ministre français de l’économie envisagerait même la nationalisation de certaines grandes entreprises qui seraient menacées de faillite.
Certes, l’on ne peut reprocher à ces gouvernements de prendre de telles mesures qui s’avèrent nécessaires pour juguler les effets néfastes des crises sur l’économie et la société, bien qu’elles dérogent à la logique néolibérale. Ils devraient toutefois prendre conscience que ce faisant, ils mettent en lumière les limites et les incohérences de la logique néolibérale.
Sauront-ils, à cet égard, prendre en conséquence conscience, que l’État ne devrait pas constituer seulement un recours en dernier ressort, et que ce sont les politiques économiques d’inspiration néolibérale qui créent un terreau favorable à la propagation et à la survenance même de ces crises. Sans la dérégulation à outrance du système financier international, la crise financière de 2007 / 2008, ne serait pas intervenue ou du moins n’aurait pas connu une grande ampleur à l’échelle internationale. Sans les politiques budgétaires restrictives menées par les gouvernements européens ces dernières décennies, obsédés par l’élimination drastique des déficits des finances publiques et la réduction au-delà de ce qui est nécessaire, du train de vie de l’État, les systèmes de santé de pays comme l’Italie, la France ou l’Espagne, auraient été plus à même de faire face à l’épidémie du coronavirus. Ainsi, bien avant la survenance de la crise sanitaire du COVID-19, le personnel médical et paramédical des hôpitaux publics en France ne cessait de protester et de manifester contre le manque de moyens humains et matériels et de conditions de travail satisfaisantes.
Au Maroc également, la logique néolibérale imposée au pays par le FMI durant la période de l’ajustement structurel entre 1983 et 1992, continue de guider la politique économique gouvernementale bien au-delà de cette période. De notre point de vue, les limites des politiques économiques d’inspiration néolibérale, constituent une entrave à l’émergence économique du Maroc (Cf. notre article ʺContribution à la refondation du modèle de développement du Marocʺ publié par le n°1066 du 30-31/03/2018 de la Nouvelle Tribune).
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Pour faire face à l’épidémie du coronavirus, le gouvernement marocain a, de son côté, et à juste titre, pris, très tôt, des mesures drastiques de confinement et de limitation des déplacements des citoyens, de même qu’il a créé un fonds spécial destiné à venir en aide aux entreprises en difficulté, aux employés perdant leurs emplois, ainsi qu’au renforcement du système de santé.
Il reste à espérer que ces mesures, en comptant sur le civisme reconnu des marocains, suffisent à contenir dans des limites maîtrisables la propagation du virus COVID-19 dans le pays, vu l’état déplorable du système de santé public, victime lui aussi, de la logique néolibérale. Le sous-effectif en personnel soignant, le manque d’équipements, les conditions de travail déplorables, les salaires peu motivants, amènent de plus en plus de médecins et de personnel paramédical du secteur public à aller exercer à l’étranger.
De même suivant l’adage ʺà quelque chose malheur est bonʺ, il est également attendu que la crise sanitaire actuelle, contribue à mieux éclairer les membres de la commission spéciale pour le modèle de développement, sur les insuffisances de ce modèle, qui découlent, en grande partie, de sa soumission à la logique néolibérale.
Mohamed Kabbaj